La distribution d’argent gratuit va pouvoir bientôt recommencer… mais elle ne suffira pas à masquer encore longtemps les dangers qui s’accumulent.
Un premier tiers des Tunisiens frôle la félicité. Un deuxième tiers est sur le rebord d’une fenêtre, au dernier étage d’un immeuble de onze étages (un étage par an), depuis le 14 janvier) — prêt à sauter. Le troisième tiers— le plus jeune, le plus beau, le plus intelligent — s’en fiche. Le quatrième tiers (c’est l’exception tunisienne) cherche à embarquer vers d’autres horizons ou d’autres abîmes…
Voici la mauvaise nouvelle : qu’on le veuille ou non, quelqu’un sortira vainqueur de la transition. Pour l’instant, on ne sait pas encore qui,…surtout depuis le 25 juillet.
Dans les deux cas… le cauchemar s’accélère, en l’absence d’un plan de sortie crédible… Pour la bonne raison que les marchés, c’est-à-dire vous, moi, se vengent. Et le retour du boomerang s’appelle «la revanche des marchés».
Bien sûr, c’est pour cela que les marchés caracolent,… les prix grimpent, le chômage grimpe, la dette (de tout le monde) grimpe… Tout le monde (surtout l’Etat) pense que, finalement, la distribution d’argent pourra recommencer à l’infini… Alors, pourquoi, s’en priver. La Rigueur ? On s’en balance.
Toujours plus de faux dinars, c’est-à-dire avec plus de fausse «pseudo-croissance» et plus de vraie décroissance… plus de faux gains boursiers… plus de vraies spéculations (sur tout et sur rien) et plus de fausses richesses… et en attendant, on continue de tirer sur l’ambulance, en l’occurrence la BCT. Avec plus de dettes…
Le premier tiers des Tunisiens frôle la félicité. Leurs mercenaires et autres experts sont aux commandes. Ruiner l’économie ? Rien de plus facile : il n’y a qu’à continuer avec plus de dépenses (publiques) ostentatoires, au quotidien, et moins de résultats futurs, plus de dettes à léguer aux générations présentes et futures.
Les dépenses publiques (on devrait dire gaspillage public) ont augmenté au rythme de (… je ne voudrais pas gâcher votre journée, je vous laisse calculer), pour quels résultats ? Plus de hausses des taux.
Bien sûr, il semble évident que la BCT finira par resserrer sa politique monétaire. Un souhait largement partagé par la gent financière : plus les taux grimpent, plus les banques se font du beurre. Et ce n’est pas une surprise pour quiconque jette un coup d’œil sur les résultats des revenus des banques, publiés récemment par la Bourse des valeurs mobilières (Bvmt).
C’est que la BCT prévoit maintenant la possibilité d’une hausse des taux en 2022. Talonnée par les économistes du FMI, qui n’en ratent pas une pour ce qui concerne la Tunisie. Pourtant, il s’agirait d’un revirement notable par rapport à ce que la BCT avait annoncé il y a deux mois, où aucune hausse de taux n’avait été envisagée, pour soutenir l’activité.
Une croissance plus lente
Récemment, l’INS a revu (en catimini), à la baisse, la croissance du PIB en 2020-2021, le chômage en hausse et l’inflation installée. Ce qui représente une baisse considérable des indicateurs conjoncturels. Ce que certains considèrent comme «terrifiants». Il (toujours l’INS) a revu ses prévisions de croissance pour 2022 (de 1.5 % à 2.0 %), ce qui ne semble pas compenser la perte de croissance de 2020-2021 (-18%).
La réponse des marchés
Le marché financier semble avoir réagi de manière appropriée à ce revirement de position de la BCT, avec une hausse des taux sur la partie courte de la courbe des taux. La partie longue de la courbe a vu les taux augmenter : le marché s’adapte à la perspective d’une hausse des taux à long terme, et ses effets dépressifs sur l’investissement productif et l’emploi. Et on nous bassine avec le redressement et la relance économique.
Bien sûr, la transition est bien gérée par une élite de compétences et de politiciens, économistes, de bureaucrates, d’experts…
Les investissements des entreprises dans les activités productives ne montrent aucun signe de reprise ; on prévoit même le contraire et que le retour que la trajectoire de la croissance économique et de l’emploi se fera ad aeternam.
Pourtant, des équipes d’économistes (autonomes) prévoient d’augmenter les investissements du secteur public en infrastructures, et compenser la «panne des investissements» du secteur privé sinistré par la grâce des joutes politiques et par une pandémie à répétition.
Ces hurluberlus proposent de dépenser en travaux d’infrastructure et en projets «d’énergie propre» ; pour l’éducation et la garde d’enfants ; pour les soins de santé ; en recherche et développement ; et en sécurité sociale et logements sociaux. Un plan de Ri-Lance chiffré.
Cela représente un total correspondant à un peu plus de 20% du PIB de 2019 : qui a été perdu par la grâce du confinement des années 2020-2021, notamment.
Ces dépenses seraient étalées sur plus de 3 ans. Et seraient financées par emprunts intérieurs et relayées par la hausse des recettes fiscales. La grande partie des dépenses serait récupérée en impôts.
L’effet du plan de RI-Lance repose sur le multiplicateur keynésien (encore lui), d’autant plus efficace que le Tunisien est dépensier. Certains économistes de l’IEQ confirmeraient qu’il serait de 1.8, ce qui permettrait de tabler sur une trajectoire de croissance au-delà des 3.0% dès 2023-2027.
Bien sûr, cela repose sur des hypothèses très bienfaisantes, notamment en matière de stabilité politique et de stabilité sociale. Mais là, c’est tout un programme.